[Fiche] L'ironie dramatique
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[Fiche] L'ironie dramatique
Ironie dramatique
Les spectateurs doivent découvrir la vérité d’un récit plus tôt que les héros. Alfred Hitchock.
Dans un récit, il existe 3 questions émotionnelles :
– Question dramatique (Est-ce que le protagoniste va réussir son objectif ?)
– Question trajectorielle (Est-ce que le personnage qui a besoin de grandir va changer ?)
– Question ironique (Est-ce que le personnage qui ignore certaines choses va l’apprendre ?)
Ici, nous allons nous concentrer sur la partie ironique.
Définition :
Quand un personnage ignore quelque chose et que cette ignorance provoque (ou est suceptible de provoquer) du conflit, on appelle de ce procédé ironie dramatique. Il pimente les scènes en générant le comique et le suspens, mais aussi le tragique et le pathétique. Il faut que le spectateur soit au courant de l’information, mais que la « victime » (de l’ironie dramatique) l’ignore.
Exemples.
Amadeus : Nous savons que Salieri complote la perte de Mozart, ce denier l’ignore.
Titanic: nous savons que le bateau va heurter un iceberg et couler, les passager l’ignorent.
Le portrait de Dorian Grey : Nous connaissons le secret de la jeunesse de Dorian Gray, son entourage l’ignore.
Dr Jeckyl et Mister Hyde : Nous savons que le Jeckyl et Hyde ne sont qu’une seule et même personne, ses proches l’ignorent.
Les caméras cachés ou canulars téléphonique fonctionnent sur ce principe : nous savons que ce qu’il se passe est orchestré à l’avance, la victime l’ignore.
Batman : Nous savons que Bruce Wayne et Batman sont la même personne, quasiment tous les autres l’ignorent (même fonctionnement pour Zorro, Superman, Spiderman…)
Toy Story : Nous savons que Buzz est un jouet, Buzz l’ignore.
La vie est belle (1997) : Nous savons que Guido et son fils Giosuè ne sont pas enfermé dans un camp de vacance, mais dans un camp de concentration, Giosuè l’ignore.
Blanche-Neige et les sept nains : nous savons que la pomme est empoisonnée, Blanche-Neige l’ignore.
Note :
– Les œuvres à rebours : Les rares œuvres qui inversent l’ordre chronologique fonctionne sur le principe de l’ironie dramatique. Memento joue très bien avec ça.
– La victime n’est pas nécessairement le protagoniste de l’histoire.
– Il existe dans certains cas un savoir refoulé : au fond d’elle, la victime sait ce qu’on lui cache (une infidélité ?), mais elle refuse d’ouvrir les yeux.
Mode de fonctionnement :
- L’installation : C’est le moment où le spectateur apprend l’information. Dans de rares cas, l’information fait partie de la culture générale du spectateur et n’a donc pas besoin d’être installée.
- L’exploitation : Exploiter l’ironie dramatique est un impératif de l’auteur. Lors de l’installation, ce dernier crée de l’attente chez le public. Il faut donc satisfaire ses exigences (et puis, quand c’est un procédé puissant qui permet de générer des émotions, il serait dommage de ne pas en profiter).
– La résolution (la scène obligatoire). Quand on crée une ironie dramatique, il faut qu’elle soit résolue. Le personnage doit apprendre ce qui lui était caché, parce que c’est ce que le spectateur a voulu tout du long. Il est donc important de montrer la révélation, puis les conséquences de cette révélation. La révélation ne doit pas être bâclée, ni les conséquences éclipsées. Si Machin cache à son père que son homosexualité, la réaction du père en l’apprenant ne peux pas être « ok, d’accord, pas de soucis ».
* Scène attendue : le spectateur attend la scène de la résolution
* Scène redoutée : le spectateur redoute la scène de la résolution. Cette résolution qui plane dans l’air résonne alors comme un compte à rebours : les prisonniers réussiront-ils à s’échapper avant que les gardiens ne remarquent leur plan ? (Prison Break, La grande évasion).
Note de Lilia : je ne suis pas d’accord sur le caractère obligatoire de cette résolution. Dans Roméo et Juliette, le spectateur sait que Juliette n’est pas morte, Roméo l’ignore. Il ne le sera jamais. Dans Amadeus, Mozart ignore que Salieri fomente sa perte, il ne se saura jamais.
Note :
– Dans le cas de gag ou de courtes ironies dramatique, il arrive que l’exploitation et la résolution soient confondues.
Note de Lilia :
– Dans le cas où le prologue est une scène de la fin de l’histoire, on sait comment ça va se passer. Dans « Le Déchronologue », le lecteur sait dès le début que le bateau va couler.
– On peut aussi passer une ironie dramatique en changeant de point de vue lors du prologue ou dans un roman choral. Ainsi le lecteur sait une information que le protagoniste de l’histoire ignore. Exemple-publicité : dans le prologue d’« Alice, la reine et le chapelier », on apprend que le maître des songes est amoureux de la reine, l’antagoniste. Le reste de l’histoire suit Alice. Quand cette dernière rencontre le maître des songes, elle ignore qu’il est amoureux de la « méchante », le lecteur le sait.
- Un truc qui est sympa, et diablement marrant à faire (je l’ai pas mal fait dans « Alice »), c’est d’utiliser l’ironie dramatique de la seconde lecture. Le lecteur sait alors déjà l’histoire, le personnage l’ignore. L’auteur peut alors exploiter une ironie dramatique qui n’existait pas à la première lecture. (D’où l’importance de bien préparer avant ses ironies dramatiques)
Situation où il y a une ironie dramatique.
– Quand le protagoniste ment.
– Quand la voix off dit l’information.
- Le cheval de Troie : quand des personnages se cachent, que ce soit pour une surprise positive (dans le cas d’un anniversaire par exemple) ou négative (pour attaquer quelqu’un). Le cas le plus célèbre est dans le nom.
- La peau de l’ours : consiste à dépenser, à profiter de quelque chose que l’on n’a pas encore (et qu’on ne va pas avoir ou devoir se battre pour l’avoir).
– La gueule du loup : quand le spectateur sait que le protagoniste se jette droit où il ne faut pas.
– Le dialogue de sourd (que la surdité soit physique ou psychologique)
– Le canular
– Le quiproquo
Inconvénient de l’ironie dramatique.
– Comme le spectateur en sait plus que le personnage, ça met de la distance avec la victime de l’ironie : le spectateur ne ressent pas la même chose qu’elle. Cependant, ça ne signifie pas pour autant que le spectateur ressent rien, il éprouve juste une émotion différente.
Avantages de l’ironie dramatique :
– Cela permet de faire participer le spectateur.
– Cela permet de créer une deuxième question, la question ironique : le personnage va-t-il savoir ce qu’il lui cache ? Comment ?
– Ça peut générer de la tension à un moment où l’action de la question dramatique est faible.
L’ironie dramatique diffuse.
C’est quand le spectateur ne sait rien de plus que le personnage, mais il « anticipe » d’une certaine façon ce qu’il va se passer. Il sait quelque chose que tous les personnages ignorent. Quand un Toto adulte demande les clés de la voiture à son père en lui promettant d’en prendre soin, nous savons qu’il va lui arriver des bricoles. Quand dans « Les dents de la mer », les personnages pêchent le premier requin, ils se félicitent. Le spectateur sait que le film en est encore qu’à ses débuts, il sait que ce n’est pas le bon requin.
Exemple d’ironie dramatique diffuse :
– Les désaccord : quand il y a un avis d’émis lors d’une dispute, le spectateur prend partit. Celui qui a tort est alors victime d’une ironie dramatique : il a faux et il ne le sait pas.
– L’ironie. Exemple : quand une victime remercie son bourreau (sans savoir qui il est).
– la préparation de l’ironie dramatique qui annonce (quand elle est bien faite) ou un téléphone (quand elle est mal fait). Exemple : Dans « La Brigade des ombres », ma Zélie joue double jeu vis-à-vis de la brigade et espionne en réalité pour le compte de son père. Elle est une victime d’une ironie dramatique diffuse : elle ignore que ses amis de la brigade vont découvrir qu’elle les espionne, le spectateur s’en doute.
- Vocabulaire:
Quand on utilise quelque chose d’installé anodinement au début, on parle de préparation et paiement. Quand le spectateur voit les ficelles et comprend que ça va servir plus tard il y a 2 options :
– Soit ça va provoquer du conflit, le spectateur n’attend à ce que le paiement complique la vie du personnage, et c’est une annonce.
– Soit ça va aider le personnage et c’est un téléphone. Les téléphones ne sont pas souhaitable.
- Lilia
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Re: [Fiche] L'ironie dramatique
C'est très intéressant. Je n'utilise pas beaucoup l'ironie dramatique car je la maîtrise mal. J'ai toujours l'impression de donner trop d'éléments aux lecteurs et donc de les priver du fameux "coup de théâtre" que je leur prépare.
Mais ton analyse m'a donné quelques idées pour un prochain projet peut-être ...
Mais ton analyse m'a donné quelques idées pour un prochain projet peut-être ...
Re: [Fiche] L'ironie dramatique
J'adore l'ironie dramatique, j'en mets absolument partout Et ce que j'aime bien aussi c'est tromper le lecteur qui se croit en position de force en connaissant des points de l'histoire que le personnage principal ne connaît pas, alors qu'il va se rendre compte qu'il se fait doublement berner. Par exemple avec L'île de Liren justement (pas énorme spoil pour ceux qui connaissent le projet) :
- Spoiler:
- Le lecteur sait que pratiquement tous les habitants de l'île sont des guerrombres et qu'en plus Sune est une guerrombre très spéciale et extrêmement rare (à savoir une Enfant) ou le déduit très rapidement, contrairement à Grigory qui croit que seule Hart est une guerrombre. Mais le lecteur va se faire berner car Sune n'est en réalité pas la seule Enfant de l'île.
J'ai fait exactement ça dans Les chats des neiges En fait c'est typiquement le genre d'ironie qui apparaît avec un twist (par exemple Le Prestige de Christopher Nolan qui a beaucoup de saveur au revisionnage).- Un truc qui est sympa, et diablement marrant à faire (je l’ai pas mal fait dans « Alice »), c’est d’utiliser l’ironie dramatique de la seconde lecture. Le lecteur sait alors déjà l’histoire, le personnage l’ignore. L’auteur peut alors exploiter une ironie dramatique qui n’existait pas à la première lecture. (D’où l’importance de bien préparer avant ses ironies dramatiques)
- MoroNoire
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Re: [Fiche] L'ironie dramatique
Sujet très intéressant, j'apprends pas mal de choses.
En fait, j'ai utilisé l'ironie dramatique dans mon roman, sans le savoir et je l'utilise assez souvent du coup.
Merci pour toutes ces explications !
En fait, j'ai utilisé l'ironie dramatique dans mon roman, sans le savoir et je l'utilise assez souvent du coup.
Merci pour toutes ces explications !
- Erza
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Re: [Fiche] L'ironie dramatique
Je ne connaissait pas l'ironie dramatique de la seconde lecture... Pourrais-tu m'en dire plus ? Comment est-ce que ça fonctionne ?
Je regarderai Le Prestige... Y a-t-il d'autres histoires célèbres qui contiennent cette technique ?
Je regarderai Le Prestige... Y a-t-il d'autres histoires célèbres qui contiennent cette technique ?
- Marge
- Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau
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Re: [Fiche] L'ironie dramatique
@Marge . En gros, c'est quand tu joues avec ce que le lecteur sait. En première lecture, ce sont des trucs qui semblent anodins, que le lecteur ne remarque pas. Mais une fois qu'il connait la révélation de la fin, les petites phrases anodines prennent toutes leur sens. L'auteur joue alors avec le lecteur et je trouve ça très puissant. Rétrospectivement, je trouve que c'est aussi très intéressant dans le cas d'une première lecture par les ME quand l'éditeur a déjà lu le syno et connait déjà la fin. Il n'est plus surpris donc il faut lui faire plaisir autrement.
Exemple : (attention, je dévoile la fin d' Alice, la reine et le chapelier).
Exemple : (attention, je dévoile la fin d' Alice, la reine et le chapelier).
- Spoiler:
Dans mon roman, on découvre à cause de paradoxe temporels, la reine rouge est la version future d'Alice. Du coup, quand Alice, au début de de l'histoire dit à propos de la reine qu'il faudrait "lui couper la tête", ça prend tout son sens. En première lecture, on se dit juste qu'Alice est un peu extrême. En seconde lecture, on comprend que son changement en reine rouge est déjà amorcé.
- Lilia
- Prosopopée scintillante
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Re: [Fiche] L'ironie dramatique
C'est génial, j'adore ! Et merci de nous l'expliquer !
- Marge
- Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau
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