[Fiche] Corriger un dialogue problématique, selon McKee.
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[Fiche] Corriger un dialogue problématique, selon McKee.
Corriger un dialogue problématique
Vous venez de relire un votre texte et vous trouvez qu’un dialogue pose problème ? Votre bêta-lecteur vous indique d’un dialogue ne fonctionne pas ? Voilà des choses qui arrivent, mais savoir quoi changer pour rendre le dialogue plus « juste » n’est pas une mince affaire. Grace à cette fiche basée sur la partie II de « Story, écrire des dialogues pour la scène et l’écran » (qui, contrairement à ce que le titre laisse supposé, traite aussi de la littérature), je propose diverses pistes pour améliorer un dialogue dissonant.
Un problème de crédibilité
Note sur les invraisemblances : Un dialogue crédible ne doit pas fonctionner comme un dialogue réel. Dans la réalité, il est souvent insipide. En revanche, il y a des dialogues qui fonctionnent alors que dans la réalité non (ex : les dialogues dans Alice au Pays des merveilles). La vraisemblance d’un dialogue n’a donc que peu à voir avec le monde réel.
Les mots qui sonnent creux : un dialogue doit avoir un sous texte, une motivation derrière les paroles. Si le lecteur n’arrive pas à en trouver, le dialogue sonne creux. Exemple : quand un personne raconte à un autre quelque chose qu’ils savent tous les deux depuis longtemps juste pour mettre le lecteur au courant.
Le parler émotionnel : quand un personnage utilise un langage qui semble plus émotionnel que ses sentiments réels, le lecteur va en chercher la raison en sous-texte. S’il ne la trouve pas, il se met alors à penser que le personnage est hyperdramatisé ou que l’auteur cherche à en faire trop.
Les discours trop savants et les discours trop perceptif : ok, l’auteur s’est renseigné, mais le personnage ne devrait pas en savoir trop. De même, il ne devrait pas être trop clairvoyant sur la nature des choses en cours ; il n’a pas à avoir un recul objectif sur des évènements qui viennent de se produire (ou encore en cours).
Les excuses prises pour de la motivation : les vraies motivations d’un personnage ne sont parfois pas nobles et on cherche des excuses pour expliquer son comportement. Par exemple, quand un dictateur envahi un pays, il y a en vérité 2 raisons : asservir le pays adverse ou affermir sa propre position dans son pays. Mais on cherche des excuses pour attaquer (l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, par exemple).
Le mélodrame : quand le personnage en fait trop. Ce n’est jamais un problème de trop en faire, mais souvent, il y a de la sous-motivation.
- exemple:
- Par exemple, en plein combat à la GOT, le roi, en plein bain de sang, peut crier « Brisez jusqu’au dernier os de son corps ! Carbonisez sa peau, écorchez-là et donnez-la lui à manger ! Arrachez-lui les yeux et coupez-lui la tête ».
Imaginez maintenant un temps différent : le roi est dans la salle du trône, entouré de sa garde, de ses courtisans et le roi vaincu vient déposer ses armes à ses pieds. S’il crie « « Brisez jusqu’au dernier os de son corps ! Carbonisez sa peau, écorchez-là et donnez-la lui à manger ! Arrachez-lui les yeux et coupez-lui la tête », on sera sur un roi mélodramatique : il ne maîtrise pas ses émotions, on le trouve risible (et si c’est voulu, c’est bien, hein. Mais le sujet, c’est quand c’est pas voulu).
Pensez maintenant à l’impact si, dans cette salle du trône, le roi ignorait le vaincu, examinait ses ongles et ordonnait distraitement « crucifiez-le ». La mort n’est pas moins dure, mais l’impression que donne le roi est bien meilleure. Elle n’est pas mélodramatique.
Les problèmes de langue :
Les clichés : ne pas s’arrêter à des expressions toutes faites, ne pas hésiter à innover pour avoir des dialogues avec plus d’impact. Dans Casablanca, quand Renault ordonne « Arrêtez les suspects habituels », c’était innovant. Aujourd’hui, « suspect habituel » est… eh bien, habituel. Expérimenter, inventer et au final ne garder que ce que vous aimez le plus.
Les expressions trop impersonnelles : éviter les expressions qui en disent peu sur le personnage, tellement elles sont utilisées facilement par tout le monde. Exemple : « Oh, mon dieu ! » ne dit rien sur le personnage.
Les phrases trop ostentatoires : un dialogue où les phrases semblent dire « regardez comme je suis jolie ».
Le langage rébarbatif :
- Préférez le concret on ne parle pas en abstraction. Le quidam moyen ne parle de chez lui en disant « mon domicile », plutôt que « mon appartement » ou « ma maison ». Cette même personne préfèrera dire « mon vélo » ou « ma voiture » plutôt que « mon véhicule ».
- Préférez le ton familier.
- Préférez les mots courts :« Cet énoncé a une déformation manifeste » est moins bien que « il déforme la réalité » qui est moins bien que « Il ment ». Même un personnage lettré et instruit ne parle pas de la première façon, sauf à écrire une satire.
- Préférez le style directe : « Quand j’ai frappé le type, comme j’avais serré le poing avec mon pouce à l’intérieur, j’ai soudain pris conscience que j’avais aussi mal que lui » est moins bien que « Je me suis démoli le poing sur sa machoire. Ça fait un mal de chien ».
- Préféré la voix active
- Préférez les discours brefs.
- Préférez le langage expressif
Faites le ménage : oublier le papotage les « salut, comment ça va ? Et les enfants ? ».
Les problèmes de contenu :
L’expression direct du ressenti :
parce que les personnes dans la vraie vie ne disent pas ce qu’elles pensent, veulent et ressentent, en partie à cause des conventions sociales, en partie parce qu’elles l’ignorent elles-mêmes. Même dans le bureau d’un psy, en pleine confession douleureuse, le psy note surtout ce que vous ne dites pas. L’important est le sous-texte.
- exemple:
- Imaginez une scène de rendez-vous galant aux chandelles où les amoureux murmurent « je t’aime » et le pensent. Ça ferait une scène clichée. Imaginez maintenant la même scène, mais on sait que l’un des deux à un amant, que l’autre le sait et prévois de se venger… Tout de suite plus passionnant, n’est-ce pas ?
- Exception:
- Seule exception pour McKee : les personnages qui sont symboliques. S’ils représentent une vertue, un défaut, il vaut mieux supprimer l’inconscient et leur faire dire ce qu’ils pensent réellement.
Les défauts du monologue
Le cas du monologue intérieur : le flux de la pensée fonctionne comme un discours : je parle de ça, j’enchaine sur autre chose qui me fait basculer sur encore autre chose. Comme un jeu de ping pong mental. Pas un monologue construit. Si le personnage se prépare à quelque chose, ça doit être fait d’hésitation, de reprise. Ou au contraire, parsemé de remarque d’autosatisfaction.
Si monologue face à un personnage impassible, peut-être que l’impassabilité de la personne n’était pas prévu, que le personne doit adapter son discours ? Du coup, il hésite, il change ses plans, il s’adapte. Si un prêtre fait son sermon, il vérifie de temps en temps l’attention de son auditoire, peut noter dans son esprit ceux qui chahute, ou vérifier ses notes s’il est stressé…
Dans le cas où le personnage qui monologue est imperturbable, concentrer sa narration sur les réactions extérieures.
Ne pas faire plus de quelques lignes sans narration, dans tous les cas.
Les défauts du duologue :Dans un dialogue, les deux personnages se parlent directement, de manière explicite et émotionnel à propos de leurs problèmes immédiats. (Et comme pour KcKee, pas de sous-texte = nul (en vrai, avec quelques exemple, je comprends mieux pourquoi) . C’est falsifier la vie.
L’intérêt du trialogue : Le mot est inventé par KcKee et contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’un dialogue entre 3 personnages, mais entre deux personnages en conflit et le troisième pour le conflit lui-même.
- TW : mort d'animaux:
- On a révélé à Alice que son mari a appelé l’un de ses canaris Marion comme sa maîtresse. Elle l’appelle, ouvre la cage et demande.
— Lequel des deux appelles-tu Marion ?
Jack se retourne contre ceux qui ont révellé le pot aux roses.
— Pas la peine de les regarder, ils ne m’ont rien dit, dit Alice. C’est celui qui a une tâche noire sur la tête ?
Jack ne bouge pas et Alice prend l’oiseau dans sa main.
— Inutile de me dire, la tache noire, c’est pour ses cheveux. C’est bien ça, hein.
Comme Jack ne dit rien, Alice tord le cou de l’oiseau et le remet dans sa cage
— Voilà comme le t’aime !
Elle essaie de partir, mais Jack la retient par le bras. Il saisit l’autre oiseau, l’ecrase d’une seule main et fourre son cadavre dans le décolté d’Alice.
— Et moi aussi je t’aime, dit-il.
Maintenant, imaginez la scène en duologue.
— J’ai appris que tu avais une maîtresse. Je te déteste et tu le paieras.
— Je te déteste aussi !
Bien moins savoureux, n’est-ce pas ?
Les problèmes esthétiques.
Les répétitions
1. L’écho involontaire : on dit la même chose plusieurs fois de façon diffrérente (ou pire, de le même façon)
2. Les temps forts qui se répètent (ex : négatif, négatif, négatif…). Plus une expérience se répète, plus son effet s’amoindrit. La première crème glacée vous régale, la deuxième un peu moins, la troisième de suite vous rend malade. C’est pareil pour les scènes. Un personnage ne devrait pas supplier plus de 2 fois, par exemple. Essayer de faire pleurer trois fois de suite dans un texte. Le lecteur n’y arrivera pas 3 fois de suite, un enchainement de tragique mène au ridicule.
La ligne de dialogue mal formulée
1. Le sens peu clair
2. Le cafouillage. Trop tard (la phrase s’éternise et le lecteur s’ennuie alors que l’information importante est au début). Trop tôt (l’information est dite, mais la phrase s’éternise quand même).
3. Les signaux décalés. Le personnage A dit quelque chose et le personnage B doit réagir, mais laisse quand même le personnage A finir ses phrases.
La scène mal travaillée :
Imaginons, une même scène de ruputure.
1. Le moment fort arrive trop tôt : l’un dit qu’il rompe, l’autre est d’accord. Puis ils s’épanchent pendant 3 pages sur leur relation, les bons souvenirs, les mauvais…
2. Le moment arrive trop tard : Les amants se remémorent leurs souvenirs pendant 3 pages avant, enfin, de se quitter. Les lecteurs l’ont vu venir et s’en sont déjà lassé avant que ça n’arrive.
3. L’évènement n’arrive pas : Les amants se remémorent les souvenirs, bons et mauvais et se laissent là-dessus. Aucun temps fort, le lecteur se demande à quoi à servit cette scène (on interdit de répondre d’exposition. Même une exposition doit avoir son temps fort !
Avis personnel :
Le bouquin est très théorique et manque d'exemples. Il y a une légère obsession du sous texte qui est contagieuse. J'ai très envie d'écrire des dialogue où les personnages ne disent pas ce qu'ils pensent, mais que le lecteur comprend quand même. Je trouve ça très puissant, ça peut donner des scènes très belles. Possible que je m'entraine à faire ce genre de scènes, avant d'essayer d'en mettre dans mes romans.
- Lilia
- Prosopopée scintillante
Date d'inscription : 03/09/2017
Nombre de messages : 1657
Re: [Fiche] Corriger un dialogue problématique, selon McKee.
Alors tu vois Lilia, balancer ton histoire de canaris à 23h44, ben j'en suis quitte pour aller regarder quelques dessins animés avant de m'endormir, maintenant.
Trêve de plaisanterie, merci pour ce partage. Moi qui adore les dialogues, je trouve cet exposé d'une grande justesse. Je ferai beaucoup plus attention.
Bon, ben je n'ai plus qu'à relire 140k de dialogue avant d'aller faire dodo, pfff
Trêve de plaisanterie, merci pour ce partage. Moi qui adore les dialogues, je trouve cet exposé d'une grande justesse. Je ferai beaucoup plus attention.
Bon, ben je n'ai plus qu'à relire 140k de dialogue avant d'aller faire dodo, pfff
- Titania
- Prosopopée scintillante
Emploi/loisirs : ex-graphiste
Date d'inscription : 12/09/2021
Nombre de messages : 1765
Avatar © : Fée Sagata par Matt Groening
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