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[Histoire - Littérature] Jalons d'histoire du roman

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Message  Atissa Jeu 25 Aoû 2022 - 18:12

Pour un forum qui se nomme Histoires de Romans et dont le genre chouchou est le récit fictif, que diriez-vous d'un rapide parcours du roman dans l'Histoire ? De la naissance du genre à ses formes contemporaines les plus éclatées, voici pour les curieuses et curieux un condensé d'archéologie du roman sur deux posts. Le premier s'étendra jusqu'à l'âge classique. L'ère moderne et contemporaine feront l'objet du second. N'hésitez pas à compléter dans l'espace dédié :D

bandehaute

L’histoire du roman


____Très longtemps, le roman a eu mauvais genre : difficile à croire quand l'on s'aperçoit qu'aujourd'hui il écrase dans les librairies les autres genres littéraires. Il ne s'agit bien sûr pas ici d'affirmer que tous les romans d'une époque donnée se sont conformés au même moule, mais d'esquisser le squelette de l'élaboration d'un genre à l'origine si bâtard. Le roman est né en marge de toute codification. Là où en français, "roman" englobe tout long récit fictif... en anglais, deux mots sont mobilisés pour désigner le roman : romance qui caractérise un récit à dominante sentimentale et idéaliste, quelque peu à l'eau-de-rose, tandis que novel désigne davantage un récit aux prises avec le réel.

Aux origines du bâtard de la littérature

Charles Baudelaire a écrit:Le roman est un genre bâtard dont le domaine est vraiment sans limites. Comme beaucoup d'autres bâtards, c'est un enfant de la fortune à qui tout réussit.

Le nom de la Chose

____Le mot "roman" vient de la langue romane où il désigne trois réalités distinctes : 1) la langue populaire 2) un récit en langue vulgaire (populaire) d'abord composé en octosyllabes puis en prose d'après un texte latin 3) un récit directement composé dans la langue vulgaire comme le Roman de Renard, ou encore le Roman de la Rose.

Antiquité : l'épopée ; le roman avant le roman

____Dès l'Antiquité, des romans étaient écrits, notamment à l'époque hellénistique (IIIe siècle avant Jésus-Christ). Par exemple : Daphnis et Chloé, et les Ethiopiques en Grèce, avec pour thème majeur l'amour contrarié par de nombreuses épreuves. Ces romans empruntent volontiers à l'épopée sans pour autant en être. L'épopée est une aventure collective qui met en jeu le sort de toute une nation, lent et dans une certaine mesure ne faisant que peu de cas de l'effet de réel. Le roman met l'accent sur un héros, il singularise l'aventure.  Chez les Romains, on compte également des romans célèbres comme Le Satyricon de Pétrone, ou L’Âne d’or d’Apulée. Ces romans présentent certains aspects épiques, mais on peut noter une nette différence de ton avec les romans cités plus haut. Le ton épique peut certes être présent par moments, mais ces récits ont une large dimension satirique.
____Pourquoi le roman a-t-il pris le pas sur l'épopée ? Peut-être en raison d'un changement de civilisation majeure : les périodes les moins en proie aux guerres seraient plus propices au roman, à l'individu qu'au pur collectif ? Au XIXe siècle, Hegel note : "Le roman est la moderne épopée bourgeoise."

____En tous les cas, le roman a pris une place laissée vide dans le tableau des principaux genres littéraires :

[Histoire - Littérature] Jalons d'histoire du roman Tablea10

____Gérard Genette émet l’hypothèse selon laquelle le roman a pris la place quasi vide du genre de la "parodie".

La période médiévale

____Les principaux thèmes des grands romans médiévaux peuvent être ainsi classés :
- la matière antique, parmi les plus anciens textes médiévaux il y a par exemple le Roman d'Alexandre (en 1180), qui a donné le nom au vers « alexandrin ».
- la matière de Bretagne, écrit sur un fond celtique de légendes comme celles que raconte Chrétien de Troyes avec Le conte du Graal, Le chevalier au lion, Le chevalier à la charrette, etc. Sans oublier des légendes comme celle de Tristan et Iseult, dont le récit a été reconstitué à la fin du XIXe siècle, à partir des fragments de Thomas d'Angleterre, Béroul et Marie de France.
- la matière de France, avec l'épopée, par exemple la chanson de Roland.

____Ces histoires ont pour cadre un contexte très généralement merveilleux, autour des thèmes de l'amour courtois, de la chevalerie et souvent, sous forme de la chanson de geste. Dès le XIIIe siècle, des romans sont écrits en prose. Vers la fin du Moyen Âge, l'inspiration satirique et philosophique apparaît. On voit naître aussi des romans très composites, comme Le Livre du Duc des Vrais amants de Christine de Pizan. Il se présente très ouvertement comme une parodie du roman courtois, dont elle démontre le sexisme latent. Ce roman mêle narration, épistolaire, insertions lyriques, vers et prose.

La naissance du roman moderne

____Milan Kundera, dans son essai L’Art du roman, et dans Le Rideau déchiré, constate que les romans grecs proposaient une vision idéalisante avec, la plupart du temps, des héros parfaits. Ils faisaient office de modèles, d'exempla. Le roman moderne, lui, offre des histoires essentiellement comiques / satiriques, avec sa galerie de personnages risibles, cocasses, baroques. On attribue surtout à Rabelais et Cervantès l'avènement du roman dans la période moderne.
____Les romans de Rabelais sont placés sous le signe du rire. Cet auteur pense qu'à partir du moment où l'homme peut rire de lui-même, il est conscient de la relativité des choses, de son imperfection et de sa marge de progression. Ainsi, Panurge serait l'un des premiers héros modernes : il est pleutre, comique, mais attachant précisément par son humanité. La Modernité peint des protagonistes vulnérables, qui entrent d'une façon réelle ou métaphorique dans un processus d'apprentissage.
____Chez Cervantès, le roman est ambigu, polyphonique, avec par exemple Dom Quichotte. Dans ce classique de l'aube de la Modernité, des récits s'intercalent entre les différentes péripéties du récit cadre. Ils composent un contrepoids avec les mésaventures comiques du vieux chevalier imaginaire. Cervantès formule, avec le Dom Quichotte, une critique du fictionnel (notamment le roman de chevalerie) par l'intermédiaire d'un chanoine : celui-ci déplore que des romans aient tourné la tête de l'anti-héros. Le vieil homme en vient à confondre fiction et réalité, à voir une gente dame dans une paysanne, un château dans une pauvre auberge, un dragon dans un moulin à vent... Et cependant, ce protagoniste dément qu'est le vieux Dom Quichotte attire toutefois la sympathie. Il incarne le secours de l'imaginaire face à un monde gris, sans loi, souvent bien laid. Et l'impossibilité du code d'honneur chevaleresque dans le monde moderne, dans un genre d'idéalisme désespéré. Au passage, Cervantès mène l'apologie de ce qu'il appelle le "bon roman" : un récit polyphonique, qui sait donner des voix propres à tous les personnages, toutes les classes sociales, et des psychologies aspirant déjà à un début d'effet de réel... plutôt qu'à la volonté d'ériger des héros modèles.
____Dans Le Rideau déchiré, Milan Kundera écrit que Cervantès est le premier à avoir "déchiré le rideau" qui faisait un écran entre l'humain et le monde.

Parcours vers une légitimation

Une production en constante augmentation

____Au XVIe siècle, la production narrative se diversifie : il y a la mode des nouvelles à l'Espagnole, aussi bien que des romans de chevalerie qui ont encore beaucoup de succès. Mais le thème amoureux s'y ré-impose de plus en plus, renouant avec une tradition grecque. Encore aujourd'hui, bien rares sont les romans sans histoire d'amour aucune. L'essor de l'imprimerie participe bien entendu à la diffusion des récits - des romans de grande qualité jusqu'aux romans plus... discutables qui s'achètent bon marché par exemple auprès de colporteurs.
____Le premier âge d'or du roman est le XVIIe siècle. L'influence des femmes dans les salons participe largement à cet essor. Là où la culture populaire est encore très vouée à l'oralité et aux légendes traditionnelles, la bourgeoisie et l'aristocratie raffolent vite des longs récits - parfois fleuves.
____Le public lecteur de romans augmente encore au XVIIIe siècle, période où l'on note un assouplissement de la censure. Le roman deviendra une ressource de choix pour les philosophes, afin de réfléchir sur la société par l'intermédiaire de fiction. Il ne s'agit donc plus seulement d’histoires de chevalerie ou d'amour. Avec les Lumières, les romans deviennent philosophiques et abordent les questions morales / sociétales de l'époque. Ainsi connait-on les romans des philosophes des Lumières comme les Lettres Persanes de Montesquieu ou encore La Nouvelle Héloïse de Rousseau. Or, au XVIIIe siècle, l'objet livre devient peu à peu plus maniables. La circulation est meilleure.

____Mais revenons un temps encore au XVIIe siècle où beaucoup de choses se jouent.

Un genre décrié pour les uns...

____Encore au XVIIe siècle, on reproche au roman de ne pas être un genre noble, d'être parent du pauvre. Par exemple, pour Boileau, on ne peut concéder au roman qu'une vertu d'amusement. Dans son Art Poétique, il traite le roman sur un ton passablement moqueur.
____Les trois griefs principaux contre le roman :
- sur un plan esthétique, il serait corrupteur du bon goût, surtout à l'âge classique.
- sur le plan moral, le roman est estimé comme corrupteur des mœurs, et dangereux notamment pour les jeunes filles puisqu'il raconte des histoires d'amour (souvent contrariées et où la ruse est de mise). Ce sont particulièrement les hommes d'église qui adressent ce reproche au genre romanesque. Bien sûr, le fait que des femmes en sont de grandes promotrices dans les salons ne pouvait qu'attirer au roman ce genre de critiques.
- sur un plan religieux : les jésuites considèrent le roman comme un divertissement, au sens pascalien du terme. Il ne s'agirait que de temps perdu à lire des fictions, tandis que l'on ferait mieux de se concentrer sur des ouvrages de piété et le salut de son âme.
____Enfin, une critique sur un plan philosophique est à mentionner : on se figure encore beaucoup que l'imagination et pernicieuse, qu'elle est "maîtresse d'erreur et de fausseté", "la folle du logis". Au XIXe siècle, ce seront les médecins qui prendront le relais des prêtres en critiquant le roman avec ce même genre d'argumentaires.

...Mais pour les autres : plaidoyer en faveur du roman !

____À ces trois critiques, on réplique que le roman est formateur du goût, du moment qu'on lui donne de la vraisemblance et que, par l'intermédiaire de la fiction, on inculque des vérités sur le monde aux lecteurs. Ainsi le roman peut être un moyen de faire passer des analyses raffinées sur la société. Et de découvrir des lieux, des classes sociales, des milieux qu'un lecteur donné ne connaîtra probablement jamais dans sa "vraie vie". Le roman fait expérimenter par procuration. Concernant les femmes, elles se défendent quant au fait qu'elles ne seront pas forcément corrompues et que, au contraire, elles seront averties en lisant certaines mésaventures. En outre, le roman permet de se libérer des passions mises en œuvre dans le récit : fonction cathartique.
____Fénelon (à la fin du XVIIe siècle), avec Télémaque, écrit un roman pédagogique à la destination du Dauphin, d'où une certaine réhabilitation.
____Au XVIIIe siècle, dans son œuvre De l’usage du roman, Lenglet-Dufresnoy introduit la notion de plaisir à la lecture d'un roman. Il fait confiance aux lecteurs pour faire la différence entre la fiction et la réalité. Au XVIIIe siècle et plus encore au XIXe siècle, la réhabilitation pleine du roman sera son réalisme, car il ouvre les yeux sur le monde tel qu'il est.

"Haute romancie" et "basse romancie" au XVIIe siècle

____Pendant très longtemps (et c'est encore largement le cas au Grand Siècle), les romans ont présenté des modèles idéals et des personnages parfaits. Trois types de romans de cette nature font florès au XVIIe siècle :
* Le roman pastoral. Exemple : L’Astrée, d’Honorée d’Urfé, c'est un roman poème sur l'art d’aimer où les contingences de la vie humaine sont complètement absentes. Les bergers et les bergères se séduisent dans les prairies, mais il ne saurait jamais être question de pauvreté, d'intempéries et de bassesses matérielles. Ces romans "tendres" et "précieux" mènent une analyse très minutieuse des sentiments.
* Le roman héroïque. Il met en scène des héros historiques comme Alexandre, les rois de l'Antiquité. Mais c'est une antiquité conventionnelle : une toile de fond sur laquelle sont mis en scène des héros parfaits. Ce sont des romans fleuves. Dans la première moitié du XVIIe siècle, avant l'absolutisme de Louis XIV, l'époque très agitée qu'est la Fronde fait que les lecteurs se soucient alors de l'héroïsme, de personnages qui s'illustrent par des actions sublimes. Or le roman en prose s'installe.
* Le roman précieux. Molière a donné une vision très caricaturale de ce type de roman. La préciosité ne doit pas être réduite à un pédantisme féminin complètement déconnecté. Beaucoup de femmes auteures s'illustrent dans ce genre avec des ouvrages tels que Le Grand Cyrus, Clélie. Toutes les nuances de la vie affective y sont cartographiées, ainsi que les jeux de la société mondaine. Ces romans sont immenses, ce sont des aventures enchâssées les unes dans les autres. Par moments, l'action se suspend pour laisser place à de longs développements sur la psychologie amoureuse. Aujourd'hui, ces romans se lisent beaucoup moins car ils sont jalonnés de dissertations parfois fleuve. Ces romans, en outre, débordent de périphrases, d'hyperboles et diverses autres procédés vite susceptibles d'avoir un côté artificiel et pompeux.

____Malgré tout, le XVIIe siècle est le théâtre d'une résistance à l'idéalisation romanesque. Certains romans marquent un retour significatif vers le réel : on appelle ce type d'histoire des histoires vraies. Exemple : Tristan L’Hermite, Le Page disgracié. Avec ce type d'histoires vraies, l'intérêt se déplace. On se focalise sur la vie d'un homme au sein du réel et à travers les épreuves de la vie, et non plus sur des histoires imaginaires. Deux grandes catégories d'histoires vraies :
* Histoires tragiques. Elles sont les ancêtres des faits divers d'aujourd'hui : ces récits déploient une fascination pour les forfaits les plus animals, les plus effrayants. En général, ces récits se prémunissent de la critique en prenant un prétexte moral : tout est passé en revue, pour montrer au lecteur les ravages du vice et pour les maintenir dans le droit chemin. Mais il y a une sorte de voyeurisme des lecteurs qui se délectent de ce type d'histoire. Exemples : François de Rosset, Histoire tragique de notre temps ; Jean-Pierre Camus, Spectacles d’horreur.
* Histoires comiques, illustré notamment par le roman picaresque. Le fil conducteur est la route. On va dans des auberges, dans les rues où ça se bagarre, dans les tripots, à la campagne, etc. Exemple : Scarron, Le Roman comique. Ce titre vaut dans les deux sens du terme (le comique théâtral, et le comique des aventures qui sont racontées, avec des personnages souvent caricaturaux afin de servir la satire). Ainsi remarque-t-on que, malgré un effort de chemin vers le monde tel qu'il est, la représentation du réel le plus cru fait encore objet de crispations : c'est toujours dans un esprit parodique et satirique que l'on représente la pauvreté, la saleté, les vices, les classes laborieuses et marginales de la société. Les héros quant à eux sont soit libertins soit mentalement déréglés, ont des amours cocasses voire crus... loin des relations platoniques des bergers et bergères fantasmées !

Du goût baroque au goût classique

____La littérature a considérablement changé de visage en quelques décennies aux alentours de la moitié du XVIIe siècle. L'esthétique du baroque (avec des structures narratives éclatées, des mises en scènes d'action qui devaient marquer l'imagination, de l'humour, une certaine truculence) laisse place au classicisme. C'est une évolution vers plus de simplicité, avec des récits courts et beaucoup plus clairs sur le plan de la structure, forts d'une linéarité narrative. Le style tend à devenir très sobre, les subtilités s'effondrent, le style est dépouillé. C'est vers une recherche de vérité historique et psychologique que ces récits se tournent. Par exemple, Mme de La Fayette a la volonté d'inscrire ses fictions dans un cadre historique très précis, par exemple dans son roman La Princesse de Clèves. Il raconte le cheminement d'un personnage dans la connaissance de lui-même, le tout dans un contexte historique relativement fidèle. L'introspection est de mise. Le récit est coloré d'une sorte de pessimisme dans la conception de l'homme : les moralistes n'y sont pas étrangers.
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Message  Atissa Ven 26 Aoû 2022 - 12:25

Quels romans pour les Lumières ?

De nouvelles formes pour observer le monde et cerner la vérité des individus.

____* Le roman épistolaire. Rousseau, en 1761, écrit La Nouvelle Héloïse. Montesquieu quant à lui publie Les Lettres persanes en 1721, et Choderlos de Laclos Les Liaisons dangereuses en 1782. Il n'y a pas un narrateur unique, mais une polyphonie. Les lettres s'entrecroisent, chacun témoigne de sa personnalité. Dans Les Lettres persanes, les deux voyageurs observent le monde parisien et, grâce à leur regard éloigné vis-à-vis de cette culture si différente, permet de mieux en faire ressortir les absurdités. Le XVIIIe siècle vibre aussi d'une fascination pour le Nouveau Monde, pour l'oriental, et le point de vue distant d'un voyageur est l'occasion de réfléchir aux mœurs. Le lecteur a une position surplombante : il voit par l'intermédiaire des consciences de différents personnages. On entre par effraction dans une sphère privée, tout en ayant une multiplicité de points de vue - et autonomie est laissée au lecteur dans son jugement.
____* Le roman-mémoire. C'est un style roman où un personnage, ayant assisté à un mouvement de l'Histoire, fait ses mémoires et relate sa vie publique. Ces romans font "comme si" et reprennent la forme de véritables mémoires, comme celles du duc de Saint-Simon (qui offre un témoignage très précis sur Louis XIV et sa cour) ou du cardinal de Retz (quant à l'époque de la Fronde). Au XVIIIe siècle, on écrit des romans comme s'ils étaient de véritables témoignages historique. Marivaux, dans La vie de Marianne, installe un effet de réel et, dès le début du livre, fait croire à des mémoires retrouvées au fond d'une armoire. Ce type de littérature est très en vogue au XVIIIe siècle. Elle permet d'entrer dans les difficultés d'un individu aux prises avec les travers de sa société. Dans le roman de Crébillon, Les égarements du cœur et de l'esprit, le personnage principal est un libertin qui raconte avec humour comment il est devenu ce qu'il est. De garçon naïf, il est devenu un libertin consommé.
____* Le roman dialogué. C'est une forme proche du théâtre, assez employée au XVIIIe siècle, et qui est une sorte de laboratoire philosophique et moral. Le texte met en scène des personnages qui débattent de différentes idées. Exemple : Diderot, Jacques le fataliste et son maître. Ils discutent et échangent leurs visions du monde. L'atout du dialogue romanesque est de n'être jamais clos, d'inviter à la réflexion. Diderot joue même de cela au point de proposer trois fins possibles pour son roman. Toutefois le dialogue n'est bien sûr pas né au XVIIIe siècle. L'Antiquité connaît déjà largement le dialogue philosophique, et la période médiévale a quelques récits dialogués - souvent entre une dame et un homme qui veut la courtiser.

Entre larmes et rire, vice et vertu.

____Au XVIIIe siècle, les romans sentimentaux / romans "sensibles" font florès. Ce sont les aventures amoureuses de personnages à l'âme généralement vertueuse. Ce siècle donne aussi bien dans l'hyper rationalité que dans la grande sensiblerie. Cette dernière cherche à faire pleurer sur les infortunes de bonnes âmes qui se frottent aux vices du monde. Exemple : Paul et Virginie, de Bernardin de St-Pierre. Dans ce récit, les bons sentiments sont à l'honneur et si le lecteur verse une larme, on considère qu'il communie à la vertu.
____Le roman picaresque fait aussi son retour au XVIIIe siècle, notamment avec le roman de Lesage, Gil Blas aux multiples péripéties. Toutefois ce roman picaresque se veut de plus en plus critique des travers du monde.
____Émerge, enfin, le pendant sombre du roman sensible : les romans libertins et romans du vice. Chez le marquis de Sade, un véritable plaisir narratif est pris à la description des souffrances. Il alterne volontiers entre des moments de réflexion philosophiques et des moments ouvertement sexuels, voire pornographiques. Chez le marquis de Sade, tout est noirceur. On frôle l'apologie du plaisir féroce, sans égard pour autrui. Sade prend le contrepied des romans sensibles : la vertu est mise à rude épreuve et démontre son impuissance crasse. Ces récits sont du reste ouvertement athées, à la différence de nombreux autres romans où la morale chrétienne fait son étalage à travers la vertu des personnages. Une transgression systématique de toutes les formes de morale traverse les écrits de Sade. Dans Les Infortunes de la vertu - titre programmatique - les personnages vertueux sont confrontés à toutes sortes de malheurs.
____Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le roman gothique nous vient d'Angleterre. Ce genre naît en 1764 avec Le Château d'Otrante d'Horace Walpole (1764). On peut citer également Camilla, de Fanny Burney, ou Le Moine de M. G. Lewis. Son héritage au XIXe siècle sera le fantastique, mais aussi le romantisme noir. Le roman gothique s'inscrit dans la logique d'un engouement pour le sentimental et le macabre qui se fait jour dans l'Europe du XVIIIe siècle avec des auteurs comme l'abbé Prévost.


Fin XVIIIe siècle et premier XIXe siècle : romantisme et fantastique


____Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIXe siècle et part d'abord de la poésie, puis s'installe au théâtre : par convention, on fait aller le romantisme des Méditations poétiques de Lamartine, en 1820, aux Contemplations de Victor Hugo en 1856. Le romantisme naît en réaction aux Lumières et à leurs idées, mais aussi en réaction à la Révolution pour la plupart de ses auteurs : face à la science et la raison, les Romantiques prônent l'expression exaltée des sentiments. Face à l'industrialisation, les Romantiques mettent en avant une nature vierge et sauvage à laquelle ils aspirent avec une certaine nostalgie. La plupart des romantiques sont allés en Amérique ou en Orient et se sont inspirés de leurs voyages. Enfin, face au refus de la religion catholique des Lumières et de la Révolution, les héros romantiques vivent de nombreuses aventures mystiques, et découvrent la beauté de la religion. La pensée romantique est profondément aristocratique, voire élitiste. Elle rejette souvent la modernité, la ville, et a un rapport très conflictuel à la masse.
____Dans le roman, ce courant fait une place particulière au lyrisme et à l'effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les personnages vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la mort, sur Dieu, sur l'amour (la plupart du temps déçu par la mort ou la séparation), la fuite du temps, ainsi que sur la gloire, et au-delà de ces thèmes lyriques traditionnels sur la fonction du poète (chez Hugo par exemple). Le style romantique aspire à une grande musicalité et à un grand raffinement poétique, souvent exalté ou tourmenté.
____Le roman romantique est le roman du moi. Proche de l'autobiographie, ces romans à la première personne marquent un goût pour la confession intime. On peut citer René, de Chateaubriand (1802), Corinne de Madame de Staël (1807), Adolphe de Benjamin Constant (1816) ou La Confession d'un enfant du siècle, de Musset (1836). Les romantique ont par ailleurs une vraie appétence pour le roman historico-lyrique. Dans Atala de Chateaubriand, le jeune héros est fait prisonnier par une tribu indienne, où il rencontre l'amour en la personne d'une jeune indienne d'éducation chrétienne. Pour elle, le jeune homme va se convertir. En Angleterre, le romantisme prend la forme d'un grand retour vers des figures du Moyen Âge, une période réhabilitée mais fantasmée. Les romans de chevalerie de Sir Walter Scott rencontrent un grand succès et y sont largement pour l'émergence aussi en France de romans ayant pour toile de fond le Moyen Âge - le plus célèbre étant Notre Dame de Paris. Ce monument de Victor Hugo est une déclaration d'amour à la cathédrale, au patrimoine, et un plaidoyer pour la restauration de ces monuments. Enfin, dans les romans romantiques, on observe d'un côté un contexte très réaliste, mais de l'autre : des personnages à dimension héroïques, des êtres très sensibles, en décalage, débordants de passions et d'idéaux. C'est le cas du jeune Fabrice dans La Chartreuse de Parme par exemple.
____Le Romantisme sera très critiqué dans la seconde moitié du XIXe siècle. Maupassant ou Flaubert ironiseront souvent à son sujet.

____Le récit fantastique quant à lui s'ancre dans un univers réaliste. Le monde dans lequel évoluent les personnages est, au début du moins, semblable au nôtre. Cependant, très vite, le cadre crée une atmosphère propice au fantastique, souvent plein d'incompréhensions voire angoissant. Les lieux privilégiés du genre (cimetière, château, ruelle déserte...), le choix du nocturne ou du crépusculaire viennent construire un malaise, une "inquiétante étrangeté". C'est alors que le surnaturel fait irruption et amène le personnage, en présence de l'illogique, à hésiter entre folie, hallucination, obstination dans la raison jusqu'à tenter de trouver quand même une explication réaliste. Mais l'indécidabilité persiste.
____C'est encore une fois en Angleterre que le roman fantastique fait florès. Carmilla de Sheridan Le Fanu, Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, Dracula de Bram Stoker, Frankenstein de Mary Shelley... En France, Maupassant notamment s'empare du genre mais il écrit essentiellement des nouvelles, au même titre que Villiers de l'Isle Adam ou Jules Barbey d'Aurevilly.
____Le XIXe siècle développe aussi avec sérieux la ligne que l'on connaît aujourd'hui comme "romans de l'imaginaire". Premiers romans de science-fiction, de fantasy, ayant déjà eu des avatars par le passé comme Les États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac.


Le XIXe : siècle du réalisme et du fantastique

La question de la mimésis et le genre romanesque.

____Aristote et Platon avaient fondé la littérature sur la notion de mimésis. Aristote remarque une forte - et nécessaire - tendance à l'imitation chez les humains. Ainsi se forme-t-on en société et ainsi apprend-on. La ressemblance à la réalité générerait en outre un plaisir esthétique. Selon lui, s'il est bien peint, même le cadavre d'un animal est susceptible de donner du plaisir visuel au spectateur. Du reste, contempler des représentations l'occasion de s'instruire. Il en va de même dans le roman.
____Platon cependant invite à la méfiance quant à la mimésis : le piège serait de prendre l'ombre des choses pour les choses elles-mêmes. La représentation n'est qu'un vecteur vers les idées.
____Au XIXe siècle, le roman tend à devenir de plus en plus réaliste et les écrivains se font chroniqueurs. Souvent, ces auteurs sont par ailleurs journalistes, comme Balzac et Stendhal qui ont écrit des chroniques mondaines dans la presse. Or, pour ses romans, Stendhal s'est à plusieurs reprises inspiré de faits divers, trouvés dans des articles. L'affaire Berthet a inspiré son roman le plus connu, Le Rouge et le Noir : un précepteur qui a été chez des bourgeois, qui a séduit la maîtresse de maison, puis qu'il a assassinée - crime pour lequel il a été guillotiné. Ces romans réalistes sont le terrain de la représentation des luttes des classes sociales.
____Les romans réalistes établissent une étroite corrélation entre la destinée du héros et les mutations sociales, entre histoires intimes et grandes Histoires. La Révolution a entraîné une succession de régimes, plongeant le pays dans une précarité politique accompagnée de bouleversement sociaux que le romanesque tend à illustrer et analyser.
____Le style réaliste quant à lui se veut simple, sobre, voire caractérisé par une certaine sécheresse. Ceci pour mieux coller au réel sans fioriture. Ainsi Stendhal écrit-il avec ironie que son idéal stylistique serait le Code civil, tout en étant conscient de son caractère trop laconique.
____Pour penser et représenter justement le réel, les romanciers s'appuient sur les "idéologues" - à ne pas prendre dans son sens péjoratif actuel. Il s'agit des philosophes. À la fin du XVIIIe siècle : Cabanis, Maine de Biran, Destutt de Tracy, Condillac. Par leur intermédiaire, les auteurs veillent à décortiquer les caractères et les natures profondes de leurs personnages, voire parfois de lignées entières sous l'influence de l'hérédité, dans le cas de Zola.

Stendhal a écrit:Le roman est un miroir que l'on promène le long d'un chemin.

____L'idée d'une subjectivité ressort à travers l'image du chemin : il ne s'agit pas de croire que, pour tout réaliste que se veut le roman, la réalité n'est jamais embrassée par le prisme d'un regard. D'un vécu personnel - celui du personnage etc. Un roman en outre sélectionne toujours la part de réel qu'il juge pertinent d'écrire pour son propos. Et cependant, Stendhal ambitionne de dépeindre la réalité sans concession, aussi fangeux que soit le chemin. Il se dégage de toute responsabilité sur la moralité de ce qu'il représente, parce que ce sont les choses en elles-mêmes qui sont choquantes et il n'est pas coupable de la laideur de ces choses. L'œuvre ne peut pas être taxée d'immoralité, l'auteur non plus, quand la réalité est immorale. Pourtant, les auteurs du XIXe ne se privent pas d'intervenir, via le point de vue surplombant de l'omniscient, pour donner un avis, formuler une satire, analyser.

Les caractères principaux du réalisme.

____* Une œuvre sérieuse. Au XVIIe siècle, la représentation du réel dans ce qu'il pouvait avoir de plus sale revêtait souvent une dimension grotesque / comique, comme chez Scarron. On peut noter tout de même certains auteurs ayant eu le soucis de représentations plus sérieuses du réel avant ce courant - Rousseau ou encore Prévost (Manon Lescaut).
____* Le mélange des registres stylistiques. Dans les romans comme La princesse de Clèves, une certaine unité stylistique visait un langage noble, et ce style demeure le même du début à la fin. Peu à peu, une polyphonie de style apparaît, pour mieux coller au réel et à toutes ses formes, à la multiplicité des sociolectes et idiolectes. Les personnages vont être singularisés, et une sorte de mimésis sociale est appliquée. Balzac étudie et retranscrit avec soin le langage du banquier, celui des gens de maison etc. Le monde ouvrier fait l'objet du travail scrupuleux de Zola, le langage des bagnards chez Victor Hugo, etc. Le XIXe siècle permet au langage des minorités et du peuple de figurer dans la littérature, sans que l'objectif soit comique.

« La vérité, l'âpre vérité »

(formule attribuée à Danton, mise en exergue de Le Rouge et le Noir)

____* La dépiction des milieux sociaux. Dans des romans comme ceux de Mme de La Fayette, seulement la cour et le milieu noble était décrit. Avec le XIXe siècle, les romans prennent l'odeur du peuple. Les héros traversent souvent tous les milieux de la société ou appartiennent eux mêmes à des couches populaires. Ils sont du reste "humains, trop humains", sans n'avoir plus rien des idéaux romanesques des figures trop parfaites du roman héroïque.
____* Une relation entre l'histoire du personnage et l’Histoire. Des romans comme Le Rouge et le Noir se présentent volontiers comme des chroniques, ainsi était-il sous-titré « chronique de 1830 ».

Stendhal a écrit:« Je regarde le roman comme la comédie du XIXe siècle »

____Un thème plutôt récurrent dans la littérature réaliste et naturaliste est l'abêtissement - dû au retour de la royauté pour les uns, à la bourgeoisie et aux nouvelles conditions du journalisme pour d'autres. Balzac fustige l'esprit bourgeois. Il illustre la corruption de la presse par des enjeux économique, la médiocrité des pisse-plume, dans des fresques comme Illusions perdues. Stendhal avait quant à lui peur de ne pas être compris par les gens de son temps, et il espérait que ses œuvres aient de la postérité, qu'elles marquent encore le public deux ou trois siècles plus tard.

Repères dans le siècle.

____La dénomination de "réalisme" est postérieure au mouvement. Le réalisme se confond avec la période romantique. D'ailleurs, le réalisme est une composante du romantisme et les deux mouvements partagent certains points communs. C'est dans le milieu de la peinture, aux alentours de 1850, que s'impose le terme. Courbet est le premier à avoir adopté de grand format pour représenter des gens du peuple et des scènes de la vie quotidienne. Des œuvres comme les siennes participent en 1855 à une exposition intitulée "le réalisme" et le théoricien Champfleury est le premier à employer nettement le concept.
____Balzac, avec ses œuvres entre 1838 et 1855, nous fait assister à toutes les évolutions de la société. Il voulait analyser la dynamique du réel et prenait la littérature comme un outil de compréhension. D'autant qu'après l'Ancien Régime, les nombreuses mutations politiques du XIXe siècle amènent une grande difficulté à décrypter le social. Le réalisme pose cependant problème et des textes comme Madame Bovary se voient condamnés en justice pour immoralité et atteinte à la pudeur.
____Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le naturalisme succède au réalisme (Zola, les frères Goncourt). Les enjeux esthétiques vont de paire avec les enjeux sociaux et les détracteurs de cette littérature redoutaient que les rouages de la société si bien décryptés dans ces romans risquaient de démonter la société.


XXe siècle : vers une crise du roman et un "ouvroir de potentialités"

____Si le narrateur omniscient est celui qui se taille la part du lion dans les romans du XIXe siècle, ceux du XXe siècle privilégient largement la subjectivité d'un narrateur à la première personne. Sa psychologie va être au centre du récit et mener celui-là. Nathalie Sarraute explique dans L’Ère du soupçon (1956) que l'ambition d'omniscience est plus que suspecte. Marcel Proust se met en quête de sa mémoire à travers les allées et venues de la pensée de son personnage-narrateur. Les différents tomes de sa Recherche du temps perdu (1913-1927) abandonnent complètement toute intrigue à fil conducteur reposant sur les actions des héros. La réalité est progressivement découverte, parfois éclatée, au fil du temps intime d'un "je" qui va et vient dans sa mémoire. L’univers le plus quotidien est un mystère à déchiffrer. L’introspection relève d’une acuité psychologique extrême et s'accompagne d'un raffinement stylistique tel que la Recherche trouve grâce aux yeux de Valéry, qui préférait de loin la poésie au roman. Louis-Ferdinand Céline conte les déboires de personnages narrateurs pitoyables dans un monde contemporain et frappé par la guerre, tandis qu’André Gide ou Jules Romains éclateront le roman dans une multitude de points de vue.
____Pour certains auteurs, le roman est même un genre qui mérite d'être décrié. Paul Valéry condamne ce genre qui lui semble manquer cruellement de densité poétique. André Breton décrète également que le roman est un genre mort et dépassé. Il faudra donc que le roman du XXe siècle sache se réinventer et explorer des formes de plus en plus inédites.

____Toutefois, des romans-fleuves continuent de voir le jour tout au long du XXe siècle. Ils dépeignent les deux guerres mondiales et de nombreux aspects de la société dans de vastes aventures organisées autour de personnages qui apparaissent de façon cyclique. Le Jean-Christophe (1903-1912) de Romain Rolland, Les Gens de Mogador d'Elisabeth Barbier (1947), la saga Les Thibault (1922-1940) de Roger Martin du Gard, La Chronique des Pasquier (1933-1945) de George Duhamel... Dans ces fresques, c'est au travers de lignées familiale que l'on suit la grande Histoire du XXe siècle, laquelle impacte le quotidien, le confort, les relations de nos héros. Avec Les Hommes de bonne volonté (1932-1946), ensemble de vingt-sept volumes, Jules Romains éclate le récit entre une multitude de personnages dont il faut recomposer les vues fragmentaires.
____Le XXe siècle fait la part belle au roman engagé. Engagement religieux pour certains : l’entre-deux-guerres est l’époque des grands romanciers chrétiens. Georges Bernanos (1888-1948) et François Mauriac (1885-1970) décrivent la complexité des combats intérieurs entre le bien et le mal, mais aussi les chicaneries d'une société fausse dévote et pleine d'hypocrisies. Engagement politique ensuite : cette question devient essentielle dans les années 30. Les auteurs très à gauche de l'échiquier politique prennent parti dans leurs romans, comme Louis Aragon, ou André Malraux en faveur de la révolution communiste en Chine dans La Condition humaine (1933) puis en faveur des républicains dans la guerre d’Espagne avec L’Espoir (1937). Après la Seconde Guerre mondiale, l’exécution de Robert Brasillach, condamné à mort pour ses écrits d'extrême droite, relance le débat de la responsabilité des intellectuels. Jean-Paul Sartre affirme la nécessité pour les auteurs de la prise de positions politique. Le groupe d'écrivains "les hussards", sous l'égide de Roger Nimier, s'opposent cependant à cet impératif sartrien et militent pour l'écriture de romans simplement pour le plaisir, souvent optimistes et sensuels.

____De grandes innovations stylistiques accompagnent toute la littérature romanesque du XXe siècle. Les auteurs recherchent une langue nouvelle, questionnent les potentialités encore inexplorées de l'écrit. Céline emploie ouvertement l'argot, se livre à des fantaisies verbales ou grammaticales audacieuses rappelant volontiers les romans burlesques du XVIIe siècles... mais avec ce caractère profondément désespéré du XXe. Raymond Queneau quant à lui entend imposer dans la littérature romanesque une langue proche de l'oral, qu'il nomme le "néo-français". Les écrivains d'outremer pour leur part, comme Patrick Chamoiseau, revendiquent l'entrée du créole dans la littérature.
____Le courant dit du "Nouveau roman" apparaît dans les années 50 en réaction à la fois contre le roman traditionnel du XIXe siècle et contre l’engagement sartrien. Il rejette les deux aspects traditionnels du roman que sont la linéarité de l’intrigue et la psychologie du personnage. Dans La Jalousie (1957) d’Alain Robbe-Grillet, le descriptif est envahissant et il revient au lecteur de construire le sens. La Modification (1957) de Michel Butor est entièrement écrite à la deuxième personne du pluriel, faisant du lecteur lui-même le personnage. Enfance de Nathalie Sarraute (1983) est un dialogue entre elle-même et sa conscience. Finnegans Wake de James Joyce (1939) va si loin avec la langue qu'il est réputé intraduisible. Le texte est éclaté sur les pages, les phrases s'entremêlent au gré de nombreux jeux de mots, plusieurs langues, plusieurs codes sont convoqués pour suivre l'évolution d'une rumeur à travers plusieurs récits.
____Le courant de l’OuLiPo "Ouvroir de Littérature Potentielle", créé en 1960, rassemble des écrivains comme Raymond Queneau (1903-1976). Ils multiplient les expériences de narrations radicales, la recherche sur le style. Si certains font éclater le roman en l'estimant devoir être délivré de toutes règles, les membres de l'OuLiPo estiment au contraire que c'est avec des contraintes formelles que peuvent émerger des manières neuves de raconter. Ainsi, La Disparition (1969) de Georges Perec (1936-1982), s’interdit d’utiliser la lettre "e" sur trois cents pages. Une forme en accord avec le fond puisque le récit est celui d'une mystérieuse disparition.

____Les formes du roman au XXe siècle semblent en quelques sortes à la dimension de l'horreur de l'Histoire. Fresques sociales et politiques aussi démesurées que les événements qui ont marqué ce siècle. Engagement politique et / ou confrontation à une réalité brutale. Recherches stylistiques et choix radicaux pour tordre le cou aux grands idéaux selon lesquels le roman peut tout comprendre du monde et de la psychologie humaine. Esthétismes déroutants tuant les idoles.

...Et pour le XXIe siècle, quels romans ? À nous de l'écrire ~

bandehaute

____L'écriture de cette fiche repose principalement sur mes souvenirs épars de cours d'histoire littéraire, et sur mes propres lectures. Il me sera donc compliqué de fournir une bibliographie. Mention seulement pour le roman au XXe siècle :
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Atissa

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S'est longtemps couché de bonne heure
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